Le tissu de la Responsabilité sociale
2004-10-14
Lorsque Linda Bowen attendait son cinquième fils, elle reçut en cadeau un ensemble de draps en coton biologique. Comme elle en a bien aimé la douceur, la consommatrice de produits biologiques ainsi convaincue est partie faire les magasins à la recherche de vêtements « verts » pour sa petite famille en pleine croissance.
« J'étais abasourdie devant les effets négatifs de la fabrication conventionnelle du coton sur l'environnement et le social, explique Mme Bowen. Je pensais : je vais mettre un enfant au monde, et j'en ai déjà d'autres à élever. Je veux tous les faire réfléchir à ce qu'ils devraient se mettre sur le dos et sous la dent. Je veux qu'ils puissent porter des vêtements fabriqués dans le respect de la responsabilité environnementale et sociale. »
N'ayant pas trouvé ce qu'elle cherchait, Mme Bowen décida de créer sa propre entreprise. À présent Présidente de Sage Creek Naturals of Sooke, en Colombie-Britannique, elle dessine, fabrique et vend sa ligne de vêtements de coton biologique et exporte 80 pour cent de sa production vers les marchés étrangers.
C'est en Inde que l'a menée sa recherche de plantation de coton et d'unité de fabrication. Grâce à sa diligence et forte de son affiliation à une association commerciale installée en Europe, notre consommatrice bio a déniché une coopérative œuvrant dans le cadre des programmes d'Oxfam et de Greenpeace.
« J'ai toujours eu en tête le même but : l'intérêt de tous, d'affirmer Mme Bowen. Que les consommateurs puissent acquérir un produit biologique à un prix raisonnable et que les gens qui travaillent à la plantation et à la manufacture soient traités avec respect, eux et leur terre! Le jour où j'ai inspecté les installations, je me suis sentie tout à fait bien. Je découvrais une entreprise où tout était soumis au cycle biologique : la semence, le processus de fabrication dans son ensemble, tout comme le vêtement porté par le nouveau-né. »
Linda Bowen tend à généraliser encore au sein de l'industrie son attachement à des pratiques commerciales socialement responsables. En effet, un certain nombre de sociétés commencent à comprendre l'impact que peut avoir l'expression de la bonne conscience sociale sur le chiffre d'affaires d'une compagnie.
La Responsabilité sociale des entreprises (RSE) n'est pas seulement une tendance du moment. Elle a ses effets à long terme sur les pratiques commerciales des sociétés dont ne peuvent que bénéficier les consommateurs, les travailleurs et la santé à l'échelle de la planète.
Chargée de la Responsabilité Sociale et Environnementale (SER) à la Coopérative Mountain Equipment (MEC), Denise Taschereau laisse entendre que la réunion de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), tenue en 1999 à Seattle, aux États-Unis, a été déterminante pour les consommateurs. « Ils ont commencé à se poser des questions sur l'origine de ce qu'ils achetaient, se demandant par exemple qui en était le fabricant et quelles méthodes étaient utilisées. Dans le psychisme de tous, certaines idées essentielles sont demeurées réalité. On doit à chaque achat être satisfait du choix que l'on fait. »
Cette réalité a pris le dessus lors d'une conférence de l'Organisation internationale de normalisation (ISO) tenue en Suède en juin dernier. On y a donné le feu vert pour élaborer d'ici à 2007 une norme volontaire de grande portée sur la RSE, rédigée en langage simple, facile à comprendre et à appliquer. Un Groupe de travail relevant directement du Bureau de gestion technique (TMB) de l'ISO à l'automne 2004 entamer le laborieux processus de définition du mandat et du mode opératoire. Il a été décidé que ce Groupe serait présidé par deux représentants, l'un d'un pays développé, l'autre d'un pays en développement, une décision majeure qui rappelle l'importance des normes de RSE pour les pays émergents, de souligner Kernaghan Webb, Conseiller principal en matière des politiques juridiques, Politique de la consommation, à Industrie Canada, également membre du Comité consultatif stratégique (CCS) de l'ISO responsable des normes relatives à la RSE.
« Les pays en développement estiment que les normes de l'ISO sur la RSE constituent pour eux le moyen d'accéder aux marchés mondiaux, reprend M. Webb. Ce sont elles qui permettront à leurs sociétés de prouver que leur régie ne se montre pas uniquement responsable envers leurs citoyens, mais aussi sur un plan beaucoup plus vaste, c'est-à-dire responsable à l'échelle du monde. Ce qui est excellent pour les affaires! »
M. Webb fait remarquer que les différents groupes d'intéressés – tant la Chambre de commerce internationale (CCI) que les organisations syndicales et environnementales – ont appuyé l'ISO dans sa décision, prouvant ainsi à l'unanimité, qu'une norme de l'ISO sur la RSE peut être d'autant plus utile qu'elle ne reproduit pas ce qui existe déjà dans les lignes directrices et les conventions déjà établies par l'Organisation internationale du travail (OIT), la norme SA8000 (sur la RSE), la Global Reporting Initiative (GRI), les Principes directeurs pour les entreprises multinationales de l'OCDE et la Déclaration universelle des droits de l'Homme et le Pacte mondial des Nations Unies. « Le Comité consultatif stratégique de l'ISO a clairement spécifié que toute norme élaborée devait renforcer tout ce qui a déjà été écrit à ce sujet, précise M. Webb. Notre but n'est pas de pousser l'ISO à aller au-delà des limites qui lui sont permises. Ce que nous voulons, en revanche, c'est reconnaître que l'Organisation a une contribution importante à apporter dans ce domaine. »
Mme Taschereau, de la MEC, approuve totalement l'initiative de l'ISO d'élaborer une norme sur la RSE et estime que cette norme constituera un bon point de départ pour les sociétés désireuses de concevoir leur propre définition du vocable responsabilité. « Il sera intéressant de voir ce que cela va donner, dit-elle. Si les propositions faites contiennent des améliorations, nous les accepterons sans aucun doute. »
La MEC est connue partout dans le monde pour son engagement en matière de RSE et la saine gestion de ses affaires, des qualités naturelles à la Coop comme au sein de son personnel, de reprendre Mme Taschereau. « Notre mission, notre mandat et nos valeurs nous servent de guide. La notion de RSE est quelque chose qui nous touche depuis toujours. Nous nous soucions profondément de notre communauté. Et cette notion fait partie intégrante de nos méthodes de travail et de la façon dont nous nous percevons, et il ne s'agit pas là d'un élément à part que quelqu'un aurait ajouté en cours de route. »
L'engagement de la MEC en matière de RSE, un engagement revêtant plusieurs aspects, comprend le financement de causes environnementales telles que la protection des rivières canadiennes menacées, le recyclage des piles, le recours aux moyens de transport publics ou à la marche pour se rendre au bureau, et la construction de magasins « verts » ne portant pas trop atteinte à l'environnement. La MEC a également établi un code de conduite rigoureux pour ses fournisseurs nationaux et d'outre-mer.
« Pour obtenir notre signature, nos fournisseurs doivent se soumettre à un processus long et rigoureux, explique Naomi Ozaki, Responsable de la production. Après avoir fait l'objet d'une première visite menée par un représentant de la MEC, ils doivent subir un audit social et environnemental. Si au cours de l'audit, on a signalé certains problèmes – ce qui arrive presque toujours – il est prévu dans ce cas des actions correctives (consignées) pour la manufacture concernée, et l'on fait parvenir au fournisseur un plan de mise en œuvre des actions correctives signalées. Nous vérifions ensuite si tout est conforme. Pour pouvoir travailler avec nous, les fournisseurs doivent être prêts à recevoir sans préavis la visite de notre personnel et celle de nos auditeurs de tierce partie. Si après que nous eûmes essayé à leur côté d'améliorer les choses, ils ne réussissent toujours pas à se conformer à nos normes, ils sont exclus du nombre de nos fournisseurs. »
Opter pour une saine gestion ne signifie pas uniquement s'allier pour toujours le consommateur. Nous le faisons parce que, selon George Heller, Président-directeur général de la Compagnie de la Baie d'Hudson, c'est ce qu'il faut faire. « Ces initiatives prouvent bien que nous, les détaillants, sommes conscients que munis de notre carnet de commandes nous avons des chances de constituer un facteur favorable de changement, affirmait George Heller dans un discours prononcé en juin 2003 devant le Pacte mondial des Nations Unies. Les choix que nous faisons sont susceptibles d'améliorer les conditions de travail de centaines de milliers de personnes dans le monde – un résultat qui dépasse de loin la simple application de bonnes pratiques commerciales? »
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Cet article est paru pour la première fois dans le volume 31 de la revue CONSENSUS, 2004. L'information qu'il contient était exacte au moment de la publication mais n'a pas été mise à jour ni révisée depuis. Elle pourrait donc ne pas tenir compte de l'évolution récente du sujet traité. Si vous avez des questions au sujet du contenu de cet article, n'hésitez pas à communiquer avec le Conseil canadien des normes.
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