En état d'alerte élevé et paré à toute éventualité
2005-10-18
Les gens ne verront plus jamais la santé, la sûreté et la sécurité de la même façon.
Les attentats du 11 septembre, le tsunami en Asie du Sud, le syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS), l’ouragan Katrina et ses effets dévastateurs.
Ce ne sont là que quelques exemples des incidents encore frais dans notre mémoire qui ont modifié notre conscience collective, alors que nous constatons avec horreur le lourd bilan des décès et les graves incidences sur la qualité de vie de nos semblables un peu partout dans le monde.
En 2004-2005, les catastrophes naturelles ont fait des centaines de milliers de victimes et causé des pertes économiques qui se chiffrent en milliards de dollars. Des pertes d’une telle ampleur peuvent provoquer des remous économiques, une instabilité sociale et politique et une catastrophe au chapitre de l’environnement. Il en va de même pour le terrorisme, comme la tragédie du 11 septembre 2001 nous l’a clairement démontré.
Le Canada est loin d’être à l’abri de ce genre de catastrophes. Il suffit de poser la question aux victimes de l’épidémie de SRAS à Toronto en 2003, de la grande inondation de Winnipeg en 1997, de l’attentat à la bombe contre Air India en 1985 ou de l’explosion qui a dévasté Halifax en 1917. La nécessité de prendre des précautions et d’avoir un plan bien établi pour faire face aux urgences d’une telle importance n’est pas un concept nouveau. Cependant, ces dernières années, nous lui avons accordé beaucoup plus d’attention.
Les administrations – fédérale, provinciales et municipales – ont toutes fait de la protection civile une priorité clé, à l’instar des organisations qui s’y consacrent traditionnellement, comme les Forces canadiennes, la Gendarmerie royale du Canada (GRC) et les autres services de police du pays, les pompiers, les services médicaux d’urgence et les hôpitaux. Ils ne sont cependant pas les seuls.
La question de la protection civile constitue un dossier sur lequel se penchent avec sérieux bon nombre d’organisations et de particuliers qui composent le Système national de normes (SNN), supervisé par le Conseil canadien des normes (CCN). De concert avec leurs homologues du milieu de la normalisation internationale, ils cherchent à déterminer le rôle que les normes et l’évaluation de la conformité peuvent jouer dans notre degré de préparation face aux prochaines urgences, quelles qu’elles soient.
Le Canada figurait au nombre des pays représentés lorsque le Engagement national vis-à-vis d’un problème mondial Groupe consultatif sur la sécurité de l’Organisation internationale de normalisation (ISO) a été formé, en janvier 2004, afin d’examiner le rôle que les normes devraient jouer en matière de sécurité mondiale et de gestion des urgences. En plus de l’examen du rôle critique des normes face aux menaces terroristes, l’ISO a aussi confié au groupe le mandat d’analyser de quelle manière la normalisation internationale pourrait nous aider à nous prémunir contre les catastrophes naturelles ou accidentelles ou contre les cyberattaques.
Le Groupe consultatif sur la sécurité est arrivé à la conclusionque l’ISO a un vaste rôle à jouer dans la normalisation de la sécurité internationale, 35 de ses 205 comités techniques étant engagés dans des travaux liés à la sécurité dans des domaines tels que la biométrie, la détection de mouvements illicites de matières radioactives, la lutte contre les maladies infectieuses, la sécurité des ports maritimes et la sécurité de l’information. Le Groupe a également recommandé d’une part que les activités professionnelles de plusieurs des comités techniques existants de l’ISO soient étendues aux nouvelles menaces et, d’autre part, que le comité technique de l’ISO sur la protection civile reprenne du service, après plusieurs années d’inactivité.
« Les problèmes mondiaux appellent des solutions mondiales », constate Husam Mansour, membre du Comité national du Canada de l’ISO et l’un des deux Canadiens membres du Groupe consultatif international. « La sécurité est un problème mondial. Le matériel traverse les frontières, les intervenants de première ligne traversent les frontières? Nous devons donc aborder cet aspect sous un angle mondial. »
M. Mansour ajoute que le Groupe consultatif sur la sécurité a admis qu’il fallait adopter une approche « descendante » plus stratégique en matière de sécurité dans les travaux de l’ISO. Il reconnaît que, bien que l’ISO intervienne dans de nombreux dossiers relatifs à la sécurité, y compris l’immigration illégale, les catastrophes naturelles et accidentelles, son approche n’a pas toujours été coordonnée.
M. Mansour représente aussi le Canada au sein d’un groupe consultatif permanent sur la sécurité, une initiative commune de l’ISO et de la Commission électrotechnique internationale (CEI) créée à la suite des recommandations du Groupe consultatif de l’ISO. Au Canada, un comité parallèle doit être mis sur pied afin de faire valoir le point de vue du pays auprès du nouveau groupe consultatif.
La rédaction d’un guide expliquant où et comment intégrer les questions de sécurité dans l’élaboration de nouvelles normes ou dans le processus de révision des normes actuelles fait partie des priorités du groupe mixte ISO/CEI sur la sécurité, tout comme la conception d’un portail de l’ISO qui comportera des liens pour diriger les utilisateurs vers des normes de sécurité.
Solutions nationales en matière de normalisation
Non seulement les Canadiens font-ils preuve de leadership dans les travaux de normalisation à l’échelle internationale, mais ils s’intéressent également aux questions de sécurité et de protection civile à l’échelle nationale. La Norme nationale du Canada sur la Planification des mesures et interventions d’urgence (CAN/CSA Z731-03), adoptée en novembre 2003, en est un exemple.
De nombreux gouvernements provinciaux et territoriaux encouragent le recours à la norme CAN/CSA-Z731 dans le cadre de leurs initiatives de planification des mesures d’urgence à l’intérieur de leur compétence territoriale. Cette norme propose des conseils sur la planification, l’administration, la formation, l’affectation des ressources, la vérification et autres aspects. Les organismes l’utilisent également pour mieux répondre aux exigences de planification des mesures d’urgence énoncées dans d’autres normes, dont les deux séries les mieux connues de normes de systèmes de management, ISO 9000 (systèmes de management de la qualité) et ISO 14000 (systèmes de management environnemental), ainsi que l’ISO/CEI 18000 (Technologies de l’information – Identification par radiofréquence [RFID] pour la gestion d’objets).
Approche nord-américaine
S’efforçant d’en arriver à une approche nord-américaine plus coordonnée, Sécurité publique et Protection civile Canada collabore avec l’Association canadienne de normalisation (CSA) en vue d’élaborer une nouvelle norme qui intégrera les travaux existants des États-Unis dans ce domaine. La norme canadienne de gestion des urgences nationales et de continuité des opérations sera fondée sur la norme NFPA 1600: Standard on Disaster Management, Emergency Management and Business Continuity Programs de la National Fire Protection Association (NFPA) des États-Unis.
« Notre but est d’élaborer une approche nord-américaine harmonisée et de donner à la gestion des urgences un caractère aussi homogène que possible », explique M. Mansour. La version actuelle de la NFPA 1600, publiée en 2004, vise à aider les organisations et les administrations territoriales à limiter les catastrophes et les urgences, à s’y préparer, à y répondre et à s’en remettre. On peut s’en servir pour évaluer un programme existant ou pour établir un nouveau programme dans les secteurs public ou privé. La nouvelle norme canadienne, dont la publication est prévue pour le début de 2007, s’inspirera de la dernière édition de la NFPA 1600. Avec l’aval du Department of Homeland Security et de nombreux organismes clés d’intervention en cas d’urgence des États-Unis, la National Commission on Terrorist Attacks Upon the United States (la 9/11 Commission) a recommandé que l’on fasse de la norme NFPA 1600 le cadre commun de la protection civile nationale pour le secteur privé.
S’appuyant sur le processus de consultation inhérent au processus d’élaboration des normes volontaires, on prévoit que l’adaptation ou l’adoption de la NFPA 1600 donnera aux entreprises les bases de la planification des mesures d’urgence et de la continuité des opérations. Cette norme permettra également aux sociétés travaillant tant au Canada qu’aux États-Unis de bénéficier d’une économie de coûts et d’une réduction des complexités.
Bâtir un pays plus sûr
Les normes jouent un autre rôle clé en ce sens qu’elles nous aident à aborder certains aspects de la sécurité plus spécifiques associés aux attaques terroristes. L’un de ces aspects réside dans la nécessité de se doter d’une approche cohérente en matière de sécurité dans la conception et la construction des nouveaux édifices gouvernementaux, ce qui englobe un cadre d’évaluation de la sécurité des édifices actuels. Parmi les établissements visés, notons les aéroports, les ambassades, les centres de services de passeport et de services fiscaux ainsi que les immeubles de bureaux.
En raison des menaces accrues de terrorisme qui pèsent sur le Canada, la GRC et Travaux publics et Services gouvernementaux Canada ont exprimé ce besoin de longue date. La GRC, responsable de la sécurité des édifices du gouvernement fédéral, a demandé au Conseil national de recherches du Canada (CNRC) d’entamer ce projet un mois après les attaques terroristes menées contre les États-Unis il y a quatre ans, le 11 septembre 2001. Cette initiative s’inscrit dans l’ambitieuse politique de sécurité nationale du gouvernement fédéral.
Le CNRC a ébauché une proposition de code national sur la sécurité dans les bâtiments, en réponse à la demande de la GRC visant l’élaboration d’une approche souple, compatible avec les codes nationaux du bâtiment, de la plomberie et de prévention des incendies. Une fois que le code proposé aura été approuvé par le Cabinet et que les fonds nécessaires auront été obtenus, on entreprendra les travaux liés aux exigences techniques.
Le Code a pour but d’examiner les risques « raisonnables » en termes de sécurité au moyen d’un processus d’évaluation menacerisque. On se demandera : « Quelles sont les probabilités pour qu’une catastrophe se produise? » et, si un tel événement se produit, « Quelles sont les conséquences? », explique John Archer, agent principal du Conseil de recherche, Centre canadien des codes, du CNRC. Cela permettra de prendre plus facilement des décisions rentables et efficaces sur le plan de la sécurité. Par exemple, si l’on envisage la possibilité qu’un avion rempli de carburant s’écrase contre un édifice, ce processus pourrait servir à comparer ce qu’il en coûterait pour équiper une structure afin qu’elle résiste à un tel impact, ce qui est possible, aux probabilités qu’un tel événement se produise.
Les normes joueront un rôle essentiel dans le code réglementaire proposé. Comme c’est le cas pour les autres codes nationaux du bâtiment, de nombreuses normes volontaires seront citées comme étant des exigences techniques. Selon M. Archer, il importe de veiller à ce que l’expertise connexe demeure entre les mains des organismes d’élaboration de normes (OEN), plutôt que de contraindre le « propriétaire » du code à l’acquérir. De plus, à son avis, le document serait impossible à gérer d’un point de vue physique si la moindre exigence technique y était détaillée. Les normes nationales et internationales seront prises en considérationà des fins de références. Les OEN du Canada seront invités à élaborer des normes dans de nouveaux domaines tels queles systèmes d’accès aux bâtiments et le sabotage du matériel des services d’incendie. Environ la moitié du budget proposé pour l’élaboration des exigences techniques du Code est réservée aux activités d’élaboration de normes.
Bien qu’en réalité le Code aura force de loi, un aspect vital de l’élaboration de normes volontaires – la recherche d’un consensus – est essentiel au projet. « Dans une certaine mesure, ils (les Canadiens) peuvent avoir confiance dans le fait qu’un processus axé sur le consensus permettra de trouver un juste équilibre entre les questions de sécurité publique et les droits de la personne », souligne M. Archer.
Mise en contexte
Comme pour tout microcosme, le milieu de la normalisation doit s’adapter aux nouvelles réalités d’une dynamique mondiale en pleine évolution. Les normes ont un rôle important à jouer pour ce qui est d’aider la collectivité mondiale dans son ensemble et le Canada, en tant que membre de cette collectivité, à faire de la vigilance et de la préparation un volet de notre nouvelle conscience collective. Ainsi, si l’impensable venait à se produire, nous serons prêts à réagir.
-30-
Cet article est paru pour la première fois dans le volume 32 de la revue CONSENSUS, 2005. L'information qu'il contient était exacte au moment de la publication mais n'a pas été mise à jour ni révisée depuis. Elle pourrait donc ne pas tenir compte de l'évolution récente du sujet traité. Si vous avez des questions au sujet du contenu de cet article, n'hésitez pas à communiquer avec le Conseil canadien des normes.
Retour